Cabrieres d'Avignon

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Cabrières d'Avignon

Cabrières est un village situé aux confins de la Provence et du Comtat, non loin de la Tour de Sabran, qui marquait la frontière entre le Comtat Venaissin et le comté de Forcalquier. Ce pays n'était pas ancien, car à la date du 14 Janvier 1455, on apprend qu'il y eu une inféodation, faite par le cardinal de Foix, légat du Pape, de la terre de Cabrières alors inhabitée, au profit de Arnauton de Montjoie. La terre de Cabrières passa ensuite, à la maison d'Ancezume, qui la transmit, avec sa baronnie du Thor, à celle de Grammont-Caderousse.

Posté le 10-07-2012 20:37 par Jimre

Prise de Cabrières d'Avignon


Voici l’inscription marquée sur le monument situé près du château de Cabrières d’Avignon :

Dessin ancien


« En ce lieu de Cabrières du Comtat, les 19 et 30 Avril 1545, les troupes du Roi et les mercenaires du Pape dirigés par Maynier d’Oppède s’unirent pour exécuter les populations vaudoises du Luberon retranchées dans ce château sous la conduite  d’Eustache de MARRON.»

 

Selon le livre « Cavaillon, pages d’Histoire » de Guy Jau, différentes versions de la prise de Cabrières d’Avignon et du massacre des  Vaudois du Luberon existent. Les voici présentées :

 

L'évêque de Cavaillon, plein du vaniteux espoir de confondre ces paysans illettrés, se rendit à Mérindol, accompagné d'un docteur en théologie. Il réclama des habitants une abjuration générale, mais comme les Mérindolais désiraient savoir ce qu'ils devaient abjurer, ils demandèrent qu'on leur montrât, par les Saintes Ecritures, les points sur lesquels ils étaient dans l'erreur. L'évêque se trouva fort embarrassé, car l'Evangile était, pour lui, un livre à peine connu. De son côté, le docteur, qui ne s'attendait pas à discuter sur le terrain de la Bible demanda un délai de quelques jours, et s'étant convaincu, après ce temps-là, de la conformité de la doctrine vaudoise avec les enseignements de la Bible, il confessa hautement « qu'il n'avait pas tant appris des Saintes Ecritures tout le temps de sa vie qu'il n'avait fait en huit jours ».

L'évêque de Cavaillon, rentré dans son palais, s'apercevant qu'il n'avait aucun espoir de succès à fonder sur les arguments de son docteur, tenta sans lui une nouvelle démarche auprès des habitants de Mérindol.

Il se rendit une deuxième fois au milieu d'eux et, ayant réuni les enfants du village, il les pria de lui réciter en latin « Notre Père » et « Je crois en Dieu ». Les enfants : « Nous savons bien le Pater et le Credo en latin, mais nous ne saurions l'expliquer que dans notre langue ». L'évêque : « Vous n'avez pas besoin d'être tant savants, car il y a beaucoup d'évêques et de curés, voire de docteurs en théologie qui seraient bien empêchés d'exposer le Pater et le Credo ». André Meynard, bailli de Mérindol : « A quoi servirait-il, Monsieur, de savoir réciter de bouche le Credo et le Pater si on n'entendait point ce qu'ils signifient ? Que si on ne les entend point, on ment et on se moque de Dieu en les récitant » L'évêque : « Entendez-vous bien ce que signifie je crois en Dieu ? » Meynard : « Je m'estimerais bien misérable si je ne l'entendais point. Le moindre enfant de ceux que vous voyez ici, devant vous, l'entend bien et je n'aurais pas honte de déclarer ma foi et ma croyance selon qu'il a plu à Dieu m'en donner l'intelligence ». L'évêque : « Je n'eusse point pensé qu'il y eut de si grands clercs à Mérindol ». Meynard : « Le moindre des habitants de Mérindol pourra vous rendre raison de sa foi encore plus nettement que moi, mais Monsieur, je vous prie d'interroger ces enfants ou l'un d'eux, afin que vous sachiez s'ils sont bien ou mal instruits ».

L'évêque aussi embarrassé de questionner que de répondre, s'y étant refusé, le syndic de Mérindol Perron Rey, avec sa permission, dit aux enfants de se poser mutuellement des questions. « L'un commença » dit Crespin « à interroger les autres de si bonne grâce qu'on eut proprement dit que c'était un inquisiteur de la foi et les enfants, l'un après l'autre, répondirent tant bien à propos que c'était merveille de les ouïr. Or cela se fit en présence de plusieurs gens et même de quatre religieux, lesquels, tout fraîchement, venaient de l'Université de Paris ». L'un d'eux dit à l'évêque : « II faut que je confesse ici que j'ai été souvent à la Sorbonne, à Paris, oyant les disputes qui se faisaient en théologie, mais je n'ai tant appris de bien que j'ai fait en oyant ces petits enfants ». A quoi un Vaudois, qui était présent, Guillaume Armand, répondit : « Vous avez bien lu ce qui est écrit en saint Matthieu " Père, seigneur du ciel et de la terre, je te rends grâce que tu as caché ces choses aux sages et prudents et les a révélées aux petits " ». L'évêque ne sachant plus à quel expédient recourir pour en venir à ses fins, employa les caresses. Ayant fait retirer les étrangers qui l'avaient accompagné, il reconnut, devant les Vaudois, qu'on les avait calomniés et les supplia, au nom de leur intérêt, de faire, entre ses mains seules, sans notaire, ni témoins, une abjuration générale, qu'ils pourraient toujours nier, si on leur faisait des reproches ou qu'on voulut s'en servir contre eux. Mais, ces hommes au cœur droit et sincère ne consenti­rent pas à se prêter à un mensonge et l'évêque s'en alla aussi mécontent que confus.

Le gouvernement civil essaya alors de réduire par la force ces esprits obstinés. Dans le diocèse, Cabrières, Gordes, Goult, Lacoste, Mérindol, Bonnieux, Oppède, Buoux et Saint-Phalet avaient accueilli les Vaudois. Le pape ordonna aux seigneurs de chasser les hérétiques de leurs terres sous peine de confiscation de leur fief. Les Vaudois eurent recours aux prières et aux supplications, les procédures furent suspendues, à condition qu'ils fassent abjuration dans les deux mois. Peu en profitèrent, et le terme expiré, les juges d'Avignon reprirent leurs opérations ; la révolte s'étendit. Mille huit cents prirent les armes en 1540. Les Vaudois firent des incursions à Apt, Cavaillon, Roussillon et prirent Mérindol, Lacoste et Cabrières dont ils chassèrent les prêtres et les seigneurs. Des mesures furent prises, mais non exécutées car François Ier, en 1541, leur fit de nouveau grâce et leur donna six mois pour rentrer dans le devoir. Six Vaudois comparurent avec André Meynard et présentèrent une profession de foi en douze articles à P. Ghinucci. Après l'avoir examinée avec un conseiller du parlement d'Aix, accompagné de plusieurs docteurs, il la déclara hérétique et tirée de la doctrine de Calvin.

En mars 1542, l'évêque fit une visite à Mérindol et prescrivit que cette paroisse serait pourvue d'un prêtre capable d'instruire le peuple par ses discours et de l'édifier par ses vertus. Il ordonna d'agrandir l'église et destina à cette réparation la troisième partie des revenus du prieuré de Mérindol, pendant un certain nombre d'années.

Il s'y rendit de nouveau, le 2 avril, sur demande du Parlement d'Aix, accompagné du conseiller George Durand et d'un prédicateur de l'Ordre des frères Prêcheurs, pour faire publier les lettres de grâce et recevoir des abjurations. A la fin de la messe, le prédicateur monta en chaire pour exposer aux habitants leurs erreurs et leur en faire voir la fausseté. Ce discours achevé, on publia de nouveau les lettres de grâce pour voir, en particulier, ceux qui voudraient en profiter. Cette publication n'eut pas plus tôt été faite, que Louis Paschal se leva avec un ton de voix hautain qu'il avait charge de tous ceux de Mérindol qu'on accusait d'être hérétiques, de faire opposition au commandement qu'on venait de leur faire d'abjurer leurs erreurs, et de demander copie de ces lettres patentes pour y répondre avec conseil. L'évêque et le conseiller n'étant pas les plus forts, au milieu de ces forcenés, se contentèrent d'ordonner à cet insolent d'avertir ceux dont il se disait procureur, qu'ils seraient déchus de leur grâce. Ceux-ci, qui ne cherchaient qu'à éluder les poursuites qu'on faisait contre eux, ne manquèrent pas de se présenter l'après-midi devant l'évêque et le conseiller qui, les ayant exhortés le plus charitablement qu'ils purent de vouloir abjurer leurs erreurs, ils répondirent aussi insolemment que leur procureur avait parlé, qu'ils ne voulaient point d'autre abjuration ni protester d'aucune autre manière de vivre que celle dont ils avaient assuré le Parlement lors de leur dernière requête. On leur répondit que c'était cette même pièce qui faisait voir leur égarement par les erreurs qu'elle contenait. Comme ils s'attendaient bien à cette réponse, ils répartirent sur le champ d'une manière ouvertement moqueuse que, pour ce qui était des erreurs, qu'on prétendait avoir reconnues dans cette pièce, ils n'en étaient pas les auteurs, d'autant, que pour dresser cette requête, ils s'étaient servi du ministère d'un passant qu'ils ne connaissaient pas qui les avait fait parler comme il avait voulu ; qu'ils le désavouaient et que c'était tout ce qu'ils pouvaient faire et répondre pour le présent. L'insolence de ces obstinés n'en demeura pas là, car comme ils ne voyaient pas de plus fortes poursuites que des procédures et des exhortations, s'imaginant qu'on les appréhendait, ils se prirent à invectiver hautement, au sortir de l'assignation contre les deux puissances séculière et ecclésiastique. On traita l'une et l'autre de lâche et de corrompue. On refusa de reconnaître l'évêque pour pasteur en le traitant de suppôt de Rome et le conseiller pour légitime magistrat. Ils se retirèrent donc, et ayant remis leur procédure, le Parlement fut d'avis de la communiquer au roi aussi bien que les professions de foi de ceux de Mérindol. Néanmoins, il convoqua les habitants de Mérindol à l'église, dix-neuf seulement s'y rendirent. A l'élévation, l'un d'eux cria « Au blanc ! Au blanc ! » Les autres rirent et se moquèrent.

AUTRE VERSION : Le 4 avril, l'évêque de Cavaillon prêcha dans l'église de Mérindol, mais dix-neuf Vaudois seulement y assistèrent. Après le sermon, Michelin Meynard et Jean Romane (syndics), André Meynard (bailli), Jean Palenc (ancien de l'église) et Jean Bernard (lieutenant du bailli) furent successivement entendus et demandèrent qu'on leur signalât les erreurs et hérésies dont ils étaient accusés. Mais au lieu de leur répondre, l'évêque parla tout bas à l'oreille du commissaire Durand et, après qu'on leur eut donné lecture des confessions de foi qu'ils avaient adressées au Parlement et au susdit évêque, ils déclarèrent que telles étaient bien leurs doctrines et demandèrent une nouvelle fois qu'on leur montrât en quoi elles étaient contraires à l'Ecriture Sainte. Pour toute réponse, le docteur en théologie prononça un discours en latin : sur quoi, A. Meynard pria le commissaire de faire coucher, sur le procès-verbal, le refus que, tant lui que l'évêque, avait fait de les convaincre d'hérésie. « Ceux qui étaient là venus » dit Crespin « pensant qu'on dût leur montrer leurs erreurs aux-dits de Mérindol, furent ébahis de voir l'évêque et le docteur ainsi vaincus et confus. Par quoi, plusieurs furent émus de demander le double des articles de la confession des habitants de Mérindol estimant que c'était la vraie doctrine de Dieu ». De ce nombre, furent trois docteurs qui étaient venus, à diverses fois, catéchiser les Vaudois et qui se convertirent à l'Evangile dont ils devinrent de zélés ministres dans la Suisse française.

Très mécontent, l'évêque de Cavaillon se mit à la tête de gens armés, le 10 août 1542 et entra dans Cabrières du Comtat où il se saisit de plusieurs Vaudois qu'il fit conduire à Cavaillon et à Avignon après avoir saccagé les biens des habitants, coupé les bourses des femmes, effondré les meubles, percé les maisons pour passer de l'une à l'autre et enlevé le bétail. Eustache Maron se rendit aussitôt à Cabrières pour secourir ses habitants, mais quand il arriva l'évêque était déjà parti avec sa troupe.

En 1545, les troupes catholiques passèrent à l'action : Maynier d'Oppède a, à côté de lui Antoine Escalin des Aimars, baron de la Garde, dit « le capitaine Paulin », homme de mœurs dissolues, dur et de si basse lignée dit de Bèze    «qu'à grand-peine sut-on son père ni sa mère, et encore plus bas de cœur ». Il acheta, quand il fut élevé, la baronnie de la Garde, où il était né. Guillaume Guérin se tint à l'écart le plus qu'il put pendant l'expédition.

Le 16 avril, la tuerie et l'incendie commencèrent. Le 18, d'Oppède fit sa jonction à Lauris avec la Garde et se dirigea sur Mérindol où il ne trouva qu'un jeune garçon, Maurice Blanc « homme fort simple » dit de Bèze, « lequel s'était rendu prisonnier à un soldat avec promesse de 2 écus pour sa rançon. D'Oppède, ne trouvant aucun autre sur lequel il put exécuter sa rage, paya ces 2 écus au soldat, et ayant fait attacher M. Blanc à un arbre, le fit tuer à coups d'arquebuse ». Les dernières paroles de ce malheureux sont à rappeler : « Seigneur Dieu, dit-il, les hommes m'ôtent cette vie pleine de misères, mais tu me bailleras celle qui est éternelle, par le moyen de mon Seigneur Jésus-Christ, auquel soit gloire ». Mérindol fut pillé et incendié. Quand Maynier eut accompli son œuvre, il entra dans le Comtat Venaissin où il avait donné rendez-vous à Antonio Trivulcio, le légat du pape, qui avait réuni mille fantassins et trois canons doubles sous le commandement du capitaine de Miolans. Ils se rencontrèrent le 19 avril, sous les murs de Cabrières qui fut canonnée les 20 et 21 avril jusqu'à 7 h du matin. Soixante paysans commandés par Maron défendaient la place, aidés de trente femmes qui les servaient. Ils avaient pratiqué des meurtrières dans les murailles et tiraient sur l'armée, mais sans lui faire grand mal. Les autres habitants s'étaient réfugiés dans les caves du château et les femmes et les enfants dans l'église. Une brèche suffisante ayant été faite aux remparts, le seigneur du lieu, qui suivait l'armée, parlementa avec ses vassaux qui répondirent qu'ils étaient prêts à ouvrir leurs portes, pourvu qu'on leur permît de se retirer sains et saufs en Allemagne ou bien qu'on leur donnât des juges. Ils consentaient du reste à ne rien emporter de ce qui pouvait leur appartenir. Le dit seigneur d'Oppède, l'évêque de Cavaillon et la Garde acceptèrent la seconde proposition et leur assurèrent qu'on examinerait leur cause en justice et qu'on n'exercerait sur eux aucune violence. Là-dessus, Maron, ses compagnons et les femmes qui les servaient sortirent sans méfiance et sans armes ; mais, quand ils furent à une certaine distance de la place, d'Oppède, ses deux gendres et d'autres gens de sa suite se précipitèrent sur eux et en prirent dix-huit qu'ils menèrent dans un pré voisin où ils les massacrèrent sans pitié. Le premier coup fut porté par de Fourrières. On conduisit leurs compagnons à Avignon, à Aix ou aux galères de Marseille. Maron, dirigé sur la première de ces villes y fut brûlé vif avec le pasteur Guillaume Serre et plusieurs de ses compatriotes. Quant aux femmes, on les enferma, sur l'ordre d'Oppède, dans un grenier à foin où l'on mit le feu. Quelques-unes d'elles voulurent s'échapper par les fenêtres, elles furent reçues sur des pertuisanes, mises à mort et leurs têtes portées en triomphe. Les soldats comtadins entrèrent dans la place pour la piller et mirent à mort tous les hommes qu'ils rencontrèrent, suivant le jugement rendu à Avignon, portant que tous les habitants de Cabrières seraient exterminés. Pour ce qui est des femmes, filles et enfants qui s'étaient réfugiés dans l'église, leur sort fut épouvantable. Plusieurs personnes du sexe furent déshonorées dans l'église même ; d'autres, qui étaient enceintes, éventrées, d'autres précipitées du haut du clocher toutes massacrées, au nombre de quatre à cinq cents à l'exception de quelques jeunes filles et de quelques enfants que l'on vendit à l'Isle. Cette affreuse tuerie fut ordonnée par d'Oppède. Le capitaine Jean de Gayé, qui reçut la mission de l'accomplir avait hasardé quelques observations, mais il fut menacé, par le président d'être traité comme rebelle du roi s'il refusait d'obéir. Huit à neuf cents habitants périrent à Cabrières. On vendit les survivants aux particuliers et les plus robustes aux capitaines des galères. Le village fut démantelé, rasé et l'on éleva sur les ruines une colonne où l'on inscrivit :

« L'an et jour que Cabrières fut prise et ruinée par Jean Maynier, seigneur d'Oppède et premier président du Parlement de Provence ».

AUTRE VERSION : Croyant trouver plus de compréhension à Cabrières, l'évêque s'y rendit le 10 août 1542, mais suivi d'une bonne escorte. Il fut si mal accueilli, qu'il fit arrêter les plus séditieux et les envoya à Avignon. Pour se venger, les Vaudois demandèrent renfort aux Provençaux d'Eustache Maron et chargèrent Rolland de Ménerbes et maître François, curé apostat de Mérindol, de porter secours où le besoin s'en ferait sentir. Maron, maître de Cabrières, fit de nombreuses sorties, s'empara des grands chemins, intercepta les communications.

Des témoins disent qu'il avait eu l'audace de s'avancer jusqu'aux portes de Cavaillon et de sommer l'évêque de paraître. Une nuit, une bande surprit la ville, força les portes et enleva, des prisons, un nommé Gautier, qui allait être mis à mort pour le meurtre d'un Juif. Le comte de Grignan envoya ses troupes et un juge sur les lieux ; Maron se plaignit de l'évêque et demanda appui contre lui, mais ne se sentant pas de résister dans Cabrières, il retourna à Mérindol après avoir saccagé les abbayes de Sénanque et de Saint-Hilaire. En 1544, le viguier Jean Maynier, baron d'Oppède, réunit les forces nécessaires, dont les cavaliers de François d'Agar, informa le légat Farnèse des intentions du roi, afin que force et obéissance restassent à la justice et au roi, et l'invita à joindre ses milices aux siennes. Ce qui fut fait sous les ordres du vice-légat A. Campeggi. Après avoir ravagé tous les villages de la vallée d'Aygues, ce fut Mérindol qui les reçut le 19 avril 1545 ; le baron de la Garde, surnommé le capitaine Paulin, qui précédait le gros de la troupe de Maynier, le trouva abandonné par les hommes et y fit prisonnier un jeune garçon idiot. Le baron d'Oppède l'interrogea sur ses croyances religieuses et « parce que ce jeune innocent ne lui sceust respondre à son désir, il le déclara hérétique et, sur l'heure, le fit attacher contre un arbre et tirer à l'arquebuse, en disant qu'il faisait la dicte exécution pour exemple à ceulx de Mérindol ».

Les femmes du village s'étaient réfugiées dans l'église avec les enfants, dont plusieurs en bas âge ;

elles furent livrées à des charretiers. « Aux vieilles mettoient des cornets de papier pleins de poudre à canon es parties honteuses devant et derrière et y mettaient le feu. Après ils les menaient sur le haut du rocher qui est près du château, leur faisoient dire leur Pater Noster, puis leur donnaient du pied et les faisoient tomber au bas du rocher, et s'ils les trouvoient en bas encore en vie, ils les achevoient à coups d'épées et de pierres comme chiens enragés ».

Le village fut brûlé. Les hommes s'étaient réfugiés à Cabrières. Quant aux assiégeants : les commissaires français se retirèrent au château d'Oppède, Maynier conduisit une partie des troupes à Cavaillon, tandis que la Garde menait le reste à Cabrières où elles rejoignirent les milices du Comtat. Le lendemain qui était dimanche, on somma les habitants de se rendre, ils refusèrent. La Garde commanda alors à l'artillerie de battre la place ; le combat se prolongea avec des pertes à peu près égales de part et d'autre. Maynier renforça les assiégeants de toutes les troupes de ligne et se retira à Cavaillon dans la soirée avec la cavalerie, devenue inutile. Le canon continua à battre en brèche les murailles tout le reste de la nuit. Le lendemain matin, les habitants se rendirent. Il semble que la place ait été victime d'un subterfuge : on aurait promis au maire qu'il ne serait fait « aucun mal ni déplaisir » si on laissait entrer diverses personnalités, dont le vice-légat, l'évêque et le président d'Oppède. Quelques notables furent faits prisonniers pour être emmenés à Avignon, dont Eustache Maron qui y périt du dernier supplice, tandis que dix-huit hommes furent conduits dans un pré, hors des murailles, les mains liées derrière le dos et rapidement taillés en pièces. Ce fut une véritable « boucherie faite à coups d'épées et d'hallebardes », le premier coup ayant été porté par un des deux gendres de Maynier « qui, d'un coutelas, fendit la teste chauve d'un de ces pauvres hommes liez ». On enferma les femmes dans une grange et on y mit le feu. « Les pauvres femmes crioient si amèrement qu'un soldat, ayant pitié d'elles, leur ouvrit la porte, mais le cruel président les fit tuer et mettre en pièces, jusques à faire ouvrir le ventre des mères et fouler aux pieds les petits enfants estant dedans leurs ventres ». De vieilles femmes furent jetées dans un fenil pour y être brûlées vives, elles s'échappèrent par une fenêtre, mais les soldats les reçurent sur les pointes des pertuisanes et des épées et les massacrèrent ainsi.

Cependant, les hommes qui n'avaient pas été encore capturés ou tués (environ deux cents) s'étaient réfugiés dans une salle basse du château où ils étaient maintenus prisonniers. Le baron d'Oppède déclara « qu'il fallait tuer jusqu'aux chats ». L'ordre fut scrupuleusement exécuté, ce fut un massacre général. Restait encore nombre de femmes et d'enfants entassés dans l'église, y recherchant une suprême protection. Oppède ordonna à l'un de ses lieutenants d'y pénétrer et de ne point faire de quartier. Celui-ci, nommé Jean de Gayé, refusa d'accomplir une mission aussi abjecte ; Oppède lui signifia alors, qu'en cas de refus, il le considérerait coupable de rébellion et de désobéissance au roi. Les soldats forcèrent femmes et filles en ladite église, publique­ment et devant tous. Une femme, après avoir été connue charnellement, fut menée au clocher et puis les soldats la jetèrent du haut en bas ; ils en forcèrent une fort grosse, preste à enfanter, tuèrent et mirent au fil de l'épée ladite multitude de femmes, filles et enfants dedans ladite église, excepté quelques filles que les gendarmes emmenèrent pour en abuser et quelques enfants qu'ils vendirent à deniers comptants, ils vendirent aussi quelques hommes aux capitaines des galères, si bien que tout passa par le glaive ou par le rapt ou par l'enchère et par la servitude tant que là il fut tué environ neuf cents âmes ». La place fut démantelée et les maisons rendues inhabitables. D'Oppède voulut exterminer aussi ceux qui avaient survécu et fit proclamer que, quiconque leur apporterait secours et nourriture serait passible d'arrestation et de confiscations des biens. Aussi, nombre de vieillards, de femmes et d'enfants agonisaient par les champs et les chemins sans que personne n’osât les secourir. Cette ordonnance fut abrogée un peu plus tard.

L'évêque de Cavaillon écrivit au cardinal Farnèse qu'il se réjouissait de l'expédition tandis que celui de Carpentras annonçait au même cardinal « l'heureuse et désuee nouvelle de la prise de Cabrières ».

Le vice-légat A. Campeggi (1542-1544), décerna ses éloges à l'évêque de Cavaillon qui, « dans cette affaire, avait tout fait pour le service de l'Eglise ».

Cinq mois après, en septembre, le roi publia une déclaration graciant tous les hérétiques de Provence (il en restait fort peu). Le Parlement de Paris fut saisi de l'affaire en 1551 et le dossier confié à Jacques Aubery du Maurier (du réquisitoire duquel sont extraites les citations ci-dessus).

Le baron de la Garde, après avoir purgé quelques années de prison fut totalement absous, et réintégré dans ses fonctions, car il n'avait fait qu'obéir.

Soucieux de s'enrichir, ayant obtenu l'érection en baronnie de son fief d'Oppède, Jean Maynier, viguier de Cavaillon et président du Parlement d'Aix, fut fort peu prisé de son temps. J. Aubery, en parlant de lui, dit « Chose indécente à un premier président de cour souveraine du roy d'estre officier subalterne à 4 escus de gage ». Il aurait cherché à s'enrichir criminellement aux dépens de ses sujets : « Qu'ils ne vivent donc plus, ils m'enrichissent morts ». Quant à l'auteur anonyme du « Sac de Cabrières », voici comme il le qualifie :

 

« Cette beste puante et de fait et de nom

Puante si puant avant qu'elle soit morte

Que d'un mill' la sentant, la femme grosse avorte. »

 

D'Oppède fut sauvé par l'intervention du pape Jules III et des jésuites car l'affaire s'était passée sur les terres pontificales. Il remonta sur son siège au bout de quelques années, pour peu de temps, il est vrai, car il mourut, dit-on, empoisonné par son médecin qui était protestant (1558).

Mais comme il fallait une victime, pour réparer tant de crimes, ce fut Guérin, avocat général au Parlement d'Aix, qui fut condamné à faire amende honorable devant le palais de justice de Paris, pour avoir été le mauvais génie de J. Maynier. Il fut pendu et étranglé après quoi il fut décapité et sa tête portée à Aix où elle fut fichée sur un pieu face à sa maison pendant plusieurs jours. 

 

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- Jimre( 2008, 2020, 2023)

Posté le 08-02-2009 17:22 par Jimre