Montmelian

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Montmélian

Ruines du Fort de Montmélian

Situation

Dominant la ville, sur un rocher isolé et escarpé, à l'entrée des deux vallées de la Maurienne et de la Tarentaise.

Point stratégique de premier ordre, seul point de traversée de l'Isère sur un pont pendant des siècles.

Histoire

Le château, puis fort de Montmélian, a traversé au cours des siècles trois grandes périodes : 

D'abord domaine des Humbertiens à partir de 1030, puis siège du bailliage de Savoie et de la châtellenie, et finalement place forte militaire.

Le premier châtelain connu de Montmélian est en 1030 un seigneur Aymon de Pierre-Forte qui paraît être un neveu d'Humbert aux Blanches Mains. Le château participa aux querelles entre les dauphins de Viennois et les Savoie. Montmélian fut en effet deux fois assiégé par les Dauphinois, en 1142, sous Amédée III, par Guigues d'Albon, ensuite en 1154, car les fils voulurent venger les pères, mais Guigues IV fut mis en déroute par le comte Humbert III.

Amédée IV naquit ici en 1197. Montmélian semble bien être du domaine direct des premiers comtes, mais plusieurs familles possédaient «au plan du château » des maisons fortes, entre autres Maître Albert de Boges, dit en 1189 précepteur du comte Thomas et médecin. Aussi les nobles Mareschal, responsables du pont, et les nobles Portier.

En 1253, Amédée IV meurt et donne en douaire à sa femme Cécile de Baux «les châteaux de Montmélian, La Rochette et le pays de Tarentaise». Le châtelain de Cécile sera Thibaud de Cors, mais la comtesse ne garda que La Rochette.

Dès 1263, le château, déjà vieux, et très exposé aux vents, nécessite des réparations : on cimente la voûte de l'unique tour, on refait la toiture de la chapelle, et l'on utilise pour recouvrir les différents édifices 9000 tavaillons et 7000 échandoles de lauzes. Ces bâtiments comprennent la tour, la  chapelle, la vieille maison ou aula, où se tient la curie comtale, la maison neuve, la longue maison, la haute maison ou maison du comte, la maison du four, la cuisine, le cellier... L'enceinte de murailles mesure 70 mètres sur 60, elle est doublée de fossés profonds. Cet ancien château subsistera avec son enceinte et son fossé au milieu du fort bastionné exécuté sous le duc Emmanuel-Philibert au XVIe siècle.

Dès 1264 il faut réédifier le pont-levis de la tour. L'inventaire remis par le bailli Hugues de Chandée à son successeur Antelme de Vigier en 1289 l'armement du château.

De 1309 à 1315, le bailli Humbert de Luyrieux seigneur de La Cueille et son successeur Mathieu de Moras entreprennent la modernisation des édifices. On construit d'abord un «raffour», puis une terrasse. En 1311, les maîtres perriers Lodru et Perret dit l'Ecureuil extraient des pierres «pour l'œuvre des tours». Vingt mille tavaillons ou échandoles sont prévus pour couvrir la grande tour et la chambre de noble Portier. La tour neuve du portail et les autres « tours neuves » sont aussi couvertes de gros tavaillons de chêne. Dans une nouvelle enceinte fortifiée on élève donc quatre tours élancées avec archères, et l'on reconstruit les anciennes maisons fortes, la grande salle du château, la chambre dite de Chambéry et aussi de Chavors et la loggia «qui furent brûlées fortuitement».

L'an 1316, Henriquet, maçon de Montmélian, est chargé de refaire à neuf le choeur de la chapelle avec une fenêtre, et onze fenêtres aux étages supérieurs des trois tours neuves «en pierres dures bien taillées avec des meneaux semblables à la fenêtre inferieure de la tour du milieu, sauf les sièges et les arcs en tiers-point qui ne doivent pas être faits dans ces fenêtres».

En août 1318 le comte Amédée V vient visiter les travaux, mais n'en est pas satisfait.

Les hostilités avec les Dauphinois, qui ont déjà brûlé la ville en 1330, ayant repris en 1353, on fait réparer les arbalètes. L'on s'achemine ensuite vers une entente cordiale avec le Dauphiné, surtout après la cession de cette province à la France en 1349, mais les séquelles de la guerre de Cent Ans amènent à refortifier toute la Savoie, car des bandes de soldats abandonnés, qui possèdent des armes à feu, se sont égayées sur tout le territoire.

Dès 1361, sous Amédée VI le Comte Vert, 52 hommes adaptent la roche pour rendre le château plus fort. Ils recreusent le fossé et écartent la terre vers la porte de Bertrand. Et en 1374, la muraille ayant été entamée lors du placement des bretèches nouvelles sur les murs, on refortifie le château, réparant créneaux et merlons. On mure les quatre fenêtres des deux tours qui entourent la porte, et les merlons de la courtine entre la chapelle et la tour du guet. La grande fenêtre de la chapelle (1315) est fermée par un mur. Les travaux sont complétés sur l'ordre d'Antelme de Miolans par onze bretèches ou chaffards autour du château, on recouvre la grande tour et la barbacane, et l'escalier par lequel on y monte. On répare la poterne côté ville et la porte dite Péron, qui fermait le chemin du fort à hauteur de l'ancienne église paroissiale et de la tour des nobles de l'IIe, sans oublier deux grandes bretèches en bois sur la tour de la porte extérieure, qui semble avoir quatre étages, et dont on recouvre le toit. On craint une arrivée des « Bretons » venus en Dauphiné jusqu'à Goncelin. Dans le même temps on dresse une palissade avec une haie, munie d'un tornafol ou bastion de bois, sous le château, depuis la porte Péron (ou porte d'entrée du plan du château) jusqu'à la roche sous la tour neuve. Au XVIIIe siècle, près de l'emplacement de cette porte, il y avait les ruines de l'ancienne église et une chapelle dite du Péron.

Une refortification générale fut prescrite en Savoie entre 1380 et 1416, le comte ayant son propre maître d'œuvre pour les réparations d'entretien: le charpentier Maître Pierre Brasier. Il répare la Tour de Chavors, appelée aussi de Besenens, dont on refait toute la toiture en bonnes lauzes. Montmélian est dès lors considéré comme le centre de la métallurgie savoyarde, et son fort comme le gardien de la Savoie.

Il a dû être pourvu des premières bombardes vers 1385.

Jean Thyod, bourgeois de Montmélian, est un réputé « maître de bombardes » et fondeur de couleuvrines, faulcons et veuglaires.

Le 26 juillet 1413, on décide de renouveler les pièces d'artillerie. Jean Thyod refortifie la grande porte du château.

Succédant aux baillis, les maréchaux de Savoie (1470-1481) ne cessèrent de perfectionner les ouvrages de défense.

Il fallut établir des « boulevards » de tous les côtés du château : devant la grande porte, côté Miolans, vers La Chaxanne et les Mollettes, ainsi que du côté du Graisivaudan où il y avait une porte pour sortir dans les fausses braies côté Dauphiné. Les boulevards amenaient aux bastions de maçonnerie faisant corps avec l'enceinte. Pendant dix ans, on construisit les fossés du château et de la ville. On continua à tailler la roche servant d'assise au château à coups de ciseau pour la rendre glissante. La régente Yolande de France y fut deux fois placée sous bonne garde par ses propres beaux-frères.

Jusqu'à la guerre de 1536 contre François Ier, on ne fit plus que les réparations urgentes, mais on établit une prison sûre pour garder les détenus, due au Maître Jean Provent. 

En 1536, François Chiaramonte, gouverneur napolitain du château, ne résista que quelques jours aux Français et courut se réfugier en France après un abandon peu glorieux. Puis le duc Emmanuel-Philibert, ayant remporté le 10 août 1557 contre les Français la victoire de Saint-Quentin, vit ses Etats restitués par le traité de Cateau-Cambresis et obtint la main de la soeur du roi Henri II, Marguerite de France.

Dès mars 1561 les travaux de modernisation furent confiés à l'ingénieur Dominique Revel, de Savone, et le duc installa à la tête de la fonderie de canons de Montmélian un fondeur de Milan, François Busca. Il fit bien, car, en 1590, la guerre reprit contre les Français aux abords de Montmélian, mais cette fois Lesdiguières contourna la place forte sans tenter de la prendre.

Par contre, sous Henri IV, en 1600, le fort fut investi par le même Lesdiguières le 14 août. La citadelle était gouvernée par un Jacques de Montmayeur, baron de Brandis, « fat, présomptueux et sans courage ».

En 1624, la guerre menaçant à nouveau, on fit raccommoder la grande palissade du château, et en 1627, la tour proche la porte de Chambéry qui s'était effondrée fut reconstruite par Antoine Verney, Claude et Pierre Gavilliet. Ils refirent les fondations et les élevèrent à 12 pieds au-dessus du sol avec des « pierres longues pour lier la muraille » et du mortier fait de bon vin. L'an suivant, le gouverneur pressa la ville de réparer les murs, guérites, « corridours », râteaux, pont-levis, et achever la tour ronde.

Le fort fut de nouveau assiégé en 1630, sous Louis XIII, et le duc Charles Emmanuel, marié à Chrestienne de France. Louis XIII voulut avoir la « gloire » de s'emparer de la Savoie. Il arriva à Chambéry en mai 1630. Bassompierre écrivit dans son journal le 18 juin 1630: «nous conclûmes d'attaquer le château à la mine». En 1639, les deux beaux-frères de la régente Chrestienne de France, partisans de l'Espagne, envahirent le Piémont à la tête des troupes espagnoles. Elle se réfugia à Montmélian le 21 septembre.

En 1643, Elie Brockenhoffer décrira Montmélian: «C'est une belle forteresse, dont l'intérieur est spacieux, largement conçu. Elle est entourée de doubles fortifications et murailles, triples par endroits, qui suivent le roc.

Elles sont épaisses et fortes, pourvues çà et là de grandes casemates. La partie inférieure ou bas-fort est séparée de la supérieure et close par une porte et un pont-levis qu'on lève toutes les nuits. La partie centrale comporte les greniers, caves, écuries, poudrières, le puits et la chapelle, les logements pour le commandant et les autres soldats, qui sont au nombre de 450 dont 50 officiers. Le fort est bien pourvu de grandes et belles pièces d'artillerie. Le cadran solaire porte la devise «in sole quœrimus umbram ».

Le dernier acte, mais non le moindre, se joua pour le fort lors des deux sièges de 1690-1691 et de 1703-1705, sous Louis XIV. Le duc de Savoie étant entré dans la coalition contre la France, le 6 juin 1690, les troupes françaises venant du piémont, commandées par M. de Saint-Ruth, commencent la conquête de la Savoie. Catinat passe les Alpes où la citadelle de Montmélian tenait depuis 18 mois le blocus, grâce à l’abnégation des milices bourgeoises et populaires formant sa garnison et au courage des femmes qui assuraient des sorties pour le ravitaillement, les soins infirmiers, et au commandant, le marquis del Caretto de Bagnasc. Cependant, Bagnasc dut capituler après une ultime résistance de 33 jours le 21 décembre 1691, et la ville fut complètement incendiée par les bombes le lendemain.

C'est Catinat qui fit lever le plan en relief du fort en 1693, après la visite de Vauban. Les Français n'évacuèrent Montmélian qu'après la paix de Ryswick, le 20 septembre 1697, paix qui ne fut qu'un intermède car en octobre 1703 la guerre éclata de nouveau entre Louis XIV et le duc de Savoie, à propos de la succession d'Espagne à la mort du roi Charles II d'Espagne.

La place forte, restaurée de 1697 à 1703 par Victor-Amédée II, résista deux ans à l'armée du roi et aux attaques du maréchal de Tessé et du duc de La Feuillade. Le comte de Santéna, gouverneur, capitula le 11 décembre 1705.

Mot d'ordre fut donné aux généraux français de faire table rase des remparts, citadelles et villes fortes tombées en leur pouvoir, et c'est ainsi que le fort de Montmélian fut rasé avec ceux de Suze, Verceil, Ivrée, Verrua, Nice et Montalban.

On « rognait les ongles du Savoyard ». Le Ier octobre 1706 il ne restait presque plus rien de l'orgueilleuse et héroïque citadelle, mais la guerre se termina par le traité d'Utrecht le 11 avril 1713, qui restitua la Savoie au duc Victor-Amédée et lui accorda le titre de Roi de Sicile.

Le canon fut encore braqué deux fois sur les ruines : en 1742, lors de l'invasion espagnole. Le commandant des forces espagnoles, le comte de ruines en fut chassé le 13 octobre par le duc Charles-Emmanuel III. Et, en 1815, les Autrichiens braquèrent leurs canons sur ce qui restait du fort et firent sauter le pont de Montmélian.

Visite Princière

Henri VII de Luxembourg, roi des Romains, élu empereur du Saint-Empire, fut reçu triomphalement au château le 20 octobre 1310. Il y eut des festins, danses, feux de joie, tournois chevaleresques. A la suite de cette réception, Amédé V put paraître en Italie comme vicaire impérial du Saint-Empire.

Par ailleurs, le 13 mai 1368, le cortège princier de Lionel duc de Clarence, fils du roi d'Angleterre Edouard III, se rendant en Italie pour épouser Yolande de Milan, nièce du comte de Savoie, s'arrêta à Montmélian pour y goûter un vin déjà réputé.

Description

Malgré les essais de reconstruction de 1747 et de 1792, il ne reste que des ruines informes du fort au sommet de son rocher.

Deux pans de murailles seraient d'anciens fours à chaux. Plus haut, en face de la crête de Blondet, dans un coude, deux caves. La première avait sa voûte percée d'une ouverture circulaire, sa muraille ébréchée donnait accès dans un souterrain. La seconde possède aussi à la voûte une ouverture profonde, oblique et demi-circulaire.

Dans le même secteur, une tranchée indiquerait l'emplacement des magasins, avec plus bas un puits profond dont l'ouverture est à fleur de terre. Sur la partie la plus élevée du rocher, l'esplanade est connue sous le nom de « grand donjon », une vaste cave est située au-dessous de l'emplacement du donjon. Un grand nombre de souterrains sillonne le fort, mais leurs ouvertures sont presque toutes interceptées, celui qui communiquait avec la ville avait son entrée sur la place de l'église actuelle.

Au-delà du grand donjon, côté Isère, un passage souterrain portait le nom de « cave du grand secours ». Sur la partie du rocher qui vise le sommet de la ville, on perçoit un restant du bastion de l'Annonciade, faisant face au rocher des Calloudes, derrière le château de La Pérouse.

La maquette en bois exécutée sur place en 1693 sous Catinat, et qui fut présentée à Louis XIV, peut être visitée à la galerie des Plans-reliefs, au Musée de l'Armée aux Invalides à Paris. Une copie, exécutée pour les Amis du Vieux Montmélian est visible dans I 'Hôtel Nicole de La Place, ancien Hôtel de Ville de Montmélian. De l'ancienne ligne des remparts subsistent le «Parapet» et l’ancien chemin de ronde qui va «sur les murs».


Source fournie par Nano.M:

- Les châteaux de Savoie, Michèle Brocard, éditions Cabédita


Photos:

- Nano.M (2022)


Posté le 03-02-2023 15:45 par Jimre