Chapteuil

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Chapteuil

La forteresse de Chapteuil domine aujourd'hui le village de Saint Julien de Chapteuil. 

Les seigneurs de Chapteuil ont laissé de nombreuses traces dans l’Histoire, notamment par leurs nombreux conflits avec les autres seigneurs de la région à l’époque de Pons le Jeune. Début XIIIe siècle, la seigneurie de Chapteuil s’étirait jusqu’au Pertuis, au nord. A l’est, elle englobait Monedeyres, Bourgeneuf, Neyzac et une partie de la forêt du Meygal. Au sud-est, le domaine comprenait Machabert, Bournac, Cancoule, les Planchas et Saint Marsal. Au sud-ouest, la seigneurie s’étendait jusqu’à Laussone, le Villard et Couteaux. A l’ouest, elle englobait Laprade et Mandarou, tout près de Saint Germain.

Les Chapteuil étaient aussi les maîtres d’autres seigneuries plus éloignées. Ainsi, ils étaient les suzerains des châteaux et des domaines d’Artias, de Lardeyrol, de Beaulieu, de Monttusclat et de Mézères en 1213. Au début du XIe siècle, le bassin de la haute vallée de l'Eyrieux est entre les mains d'une puissante famille, les Chapteuil, originaire du Velay oriental. Les Chapteuil sont à l'initiative du château de Brion qu'ils construisent aux environs de l'an mil. Une branche cadette de la famille de Chapteuil s'établit définitivement au château de Brion et reste seigneur de celui-ci jusqu'à la fin du XVe siècle. Au XIIIe siècle, elle prend d'ailleurs pour nom « de Brion ».

Concernant Chapteuil, un des personnages illustres de cette famille était Pons de Chapteuil. C’était un homme du pays d’Oc qui naquit autour de 1160, héritier de l’immense fief des Chapteuil. Sa personnalité aux multiples facettes a marqué l’histoire. Il fut un seigneur à fortes convictions politiques et religieuses. Il rédigeait des « sirventès », poèmes moralistes et « politiques » qui ont été conservées. Sa poésie et ses combats laissent apparaitre un homme sensible très attaché au pays d’Oc.

Voici comment il est décrit :

« Pons de Chapteuil fut du même évêché que Guillaume de Saint Didier.

Ce fut un homme de haut rang et noble baron.

Il savait bien trouver, jouer de la viole et chanter

Bon chevalier d’armes, grand, beau et fort instruit et fort pauvre d’avoir.

Mais il le dissimulait par son gracieux accueil.

Et il aima d’amour madame Azalaïs de Mercoeur

Femme d’Odilon de Mercoeur et fille de Bernard d’Anduze, puissant baron de la marche de Provence.

Il l’aimait et la célébrait fort et fit d’elle maintes bonnes chansons.

Et aussi longtemps qu’elle vécut, il n’aima pas d’autres dames.

Et quand elle fut morte, il se croisa et passa outre-mer et là il mourut.

Et ici sont écrites beaucoup de ses chansons »

Pons de Chapteuil, en tant que seigneur vellave, s’engagea tout au long de sa vie contre l’avancée du pouvoir royal en pays d’Oc, dans la mouvance des comtes de Toulouse dont il était vassal et du roi d’Aragon, allant jusqu’à espérer la formation d’un royaume occitano-catalan, encourageant les seigneurs à se croiser. Il refusait la soumission aux rois capétiens, des « gens du nord, usurpateurs et étrangers » …

Comme à cette époque des chevaliers troubadours dont il faisait partie, il a aussi écrit des poésies. Voyageant de cour en cour, côtoyant d’autres troubadours, tels Peire Cardinal, un autre poète vellave, ou Guillaume de Saint Didier, Perdigon, Peirol…

 La poésie des troubadours, toujours chantée et accompagnée de musique, exaltait un amour courtois que le troubadour « trouvait » de trobar : trouver, et qu’il chantait en langue d’Oc. Il confiait ses sentiments à sa chanson, la « canso ». La femme aimée y était honorée, respectée, dominante. L’amour ressenti demeurait un amour platonique appelé le « fin amor ».

Dans le cas de Pons, celui-ci chanta surtout son amour pour dame Azalaïs de Mercoeur, dont il exalta la beauté : 

« Dame, la plus gente que je sache, 

Je vous aime plus sans mentir

Que ne fit Tristan son amie

Et pourtant je n’en tire aucun profit »

Déplorant la mort de sa dame Azalaïs, ce qui accéléra certainement son départ pour la croisade, il composa aussi des chants funèbres, les planhs:

« Joie s’est enfuie et plaisir est perdu

Le monde entier est réduit à néant

Comtes et ducs et maints barons vaillants

En devenaient plus preux de l’avoir vue ;

Et mill’dames, par elle, plus valaient.

Nous pouvons voir, que de nous irrité,

Notre seigneur qui la fit valoir tant

En la prenant nous ôte joie, chant et rire

Pour nous donner de geindre et de souffrir (…) »

Pons de Chapteuil fut aussi un fervent catholique qui a laissé trois chants de croisade encourageants les seigneurs à se croiser pour répondre à l’appel du pape Innocent III en 1211. Pons exhorte les seigneurs à être « courageux, nobles et généreux » pour chasser les Turcs, les « infidèles sarrasins » de Terre Sainte. Le départ aura lieu en 1217. Pons de Chapteuil fera partie des croisés et on pense qu’il est mort en Terre sainte puisque qu’il n’y a plus de traces de lui après ce départ en croisade.

C’est Pons le Jeune qui perdra la forteresse, en 1240, conquise par une armée levée par l’évêque du Puy. La lignée directe des Chapteuil s’éteindra après lui, en 1285. 

Le domaine de Chapteuil est resté par la suite une possession des évêques du Puy jusqu’à ce que le baron de Saint Vidal, défenseur de la religion catholique, fasse détruire la forteresse où des protestants avaient trouvé refuge en 1574.

Les seigneurs de Chapteuil défendaient leur territoire grâce aux chevaliers et aux écuyers formés dès leur plus jeune âge au métier de la guerre et liés avec eux par un serment de fidélité. Ils étaient ravitaillés par les paysans du domaine, serfs ou hommes libres, les « tenanciers » qu’ils se devaient de protéger.

Ils avaient le droit de ban sur tous les habitants du domaine qui devaient effectuer des travaux non rémunérés pour le seigneur, corvées agricoles, rénovation de la forteresse, transport des denrées, gardes des enceintes, guet, chevauchées…

Les habitants du domaine devaient de plus utiliser les fours et les moulins seigneuriaux et payaient ainsi des banalités aux seigneurs. 

Enfin, les Chapteuil rendaient la justice sur leurs terres, justice pouvant aller jusqu’à la condamnation à mort.

Les traces d’architecture de la forteresse sont peu nombreuses car en plus de sa destruction lors de guerres de religion, elle a alors servi de carrière pour les habitants de la région pour construire des hameaux voisins (Bacelles, les Couderts). 

Il reste des vestiges :

- de la tour de Bacelles, située à l’extrémité est de la première enceinte, de forme circulaire et de bon diamètre, qui permettait aux « gens d’armes » de monter la garde.

- de la double porte de la forteresse dont la hauteur, l’épaisseur de ses pierres et ses dimensions, dégagent une impression d’invulnérabilité. Elle permet de mesurer l’importance des enceintes qui protégeaient le château, les habitations et les paysans des hameaux voisins qui trouvaient refuge derrière ces enceintes lors d’attaques ennemies. On peut apercevoir la fente de manœuvre qui permettait de relever ou d’abaisser une herse, à l’aide d’un treuil surplombant la porte. Une fois abaissée, la herse bloquait complétement l’entrée de la forteresse. On peut de plus apercevoir dans les deux parois des rainures qui permettaient de bloquer le portail avec des barres.

- de la porte des Couderts . Il n’y a ici plus que les restes d’une poterne qui faisait partie de la première enceinte. Son emplacement éloigné de la porte principale permet de mesurer la longueur de la première enceinte de remparts qui enserrait le donjon, la chapelle et les habitations. Elle était doublée par une autre enceinte située plus haut qui protégeait le donjon, la chapelle, le logis seigneurialet les réserves de nourriture.

- de quelques fragments du donjon sommital, la partie la plus ancienne du château. Il ne subsiste de ce donjon que la base rectangulaire de ce qui semble avoir été la construction archaïque d’à peine six mètres de côté de la forteresse qui s’est peu à développée autour de ce sommet permettant de dominer l’immense domaine.

Un point remarquable de cette forteresse est qu’elle a été construite avec du basalte, qui témoigne du passé volcanique l’Auvergne. 

On peut admirer de très beaux « orgues » ou « colonnades » basaltiques qui ont de tout temps constitué un matériau de choix pour la construction, de par leur facilité d’extraction et de par leur forme géométrique, facilitant la construction sans taille préalable. 

Le basalte remplissant la cheminée du volcan, plus compact et résistant, a mieux résisté à l’érosion. La cheminée a été ainsi peu à peu dégagée, formant le relief actuel désigné sous le terme de neck par les géologues. L’âge de ce neck basaltique n’est pas connu avec précision ; il appartient vraisemblablement au même cycle d’éruption basaltiques qu’a connu le Velay oriental entre 11 et 8 millions d’années avant notre ère.

Remarque : Nous avons observé non loin de Chapteuil un autre exemple de château posé sur un neck : Lardeyrol. On peut y apercevoir ces fameux « orgues » basaltiques également.


Source:

- Article réalisé avec les panneaux trouvés lors de la visite


Photos:

- Jimre (2021)


Vidéo:

- Survol réalisé lors de notre visite.

Des images aériennes de la forteresse de Chapteuil, en Haute-Loire (43), prises par drone et réalisée par nos soins.

N'hésitez pas à aller faire un tour dans notre playlist Rhône Médiéval pour voir nos autres vidéos ainsi que sur la playlist "Les Invités de Rhône Médiéval" pour voir des vidéos réalisées par d'autres personnes sur la même thématique...


Posté le 10-11-2021 15:56 par Jimre